Costes chante, hurle et pleure son amour passionné (et non réciproque) pour Darlyne. Musicalement, ça peut paraître curieux de dire ça pour Costes mais je trouve ça assez structuré : c'est beaucoup plus mélodique que noise : beaucoup de synthé mélancolique et de piano. C'est terriblement touchant d'entendre cet homme prêt à tout par amour pour une fille inaccessible, ce cd très romantique m'a beaucoup émue. Cet amour est tellement fou qu'il tend vers la violence : exemple, dans « L'Heure Du Violeur », il s'imagine se venger de Darlyne qui l'a trop ignoré, mais derrière la violence on voit que c'est un acte d'amoureux désespéré. La chanson « Devant Le Soviet Suprême », à la musique magnifique et très sombre, évoque un homme trop seul qui se sacrifie par amour. Un de mes albums préférés, magnifique.
Auteur : Sophie Diaz
Blog Costes666
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Jean-Louis Costes a sans doute été très amoureux de Darlyne. Vraiment amoureux, sincèrement amoureux, douloureusement et terriblement amoureux au sens le plus pur et le plus touchant du terme. Au point qu’il lui consacre un disque tout entier : Sorcière, montre-moi ton derrière – 20 chansons d’amour de Costes pour Darlyne (1990). Dans un des morceaux, « Amour Asocial », Costes chante, s’adressant à toute la société : « Vous ne connaissez rien à l’amour. Vous niez la force du désir. L’amour est aveugle et le désir est sans calcul. Je l’aime et c’est tout ! Je la veux, un point c’est tout ! Vous êtes des jaloux et des cyniques. Vous voyez le mal partout. Vous ne voulez pas croire à l’amour sincère. Vous ne voulez pas croire à l’amour pur. Vous n’aimez pas l’amour fou ! Vous êtes des juges au tribunal. Vous cherchez à nous faire mal. Vous voulez l’amour légal. Mais l’amour se fout de la loi ! (…) Mais l’amour n’est pas social ! Mais l’amour n’est pas social ! » Oui, l’amour et nos désirs sont révolutionnaires. Toujours révolutionnaires, quel que soit le régime. L’amour est une brèche qui s’ouvre – enfin ! – dans le merdier planétaire et généralisé. L’amour est un espace où se joue quelque chose de vivant et de vrai, un espace où nous sommes nous-mêmes, c’est à dire ridicules, fragiles jusqu’au fond, mais, du coup également, en contact avec nos sources propres et les sources du monde.
C’est pourquoi également l’amour est toujours dangereux. L’album Sorcière ne laisse sur ce point aucune place aux illusions sentimentales niaiseuses. Il s’ouvre par le morceau Enfant de pute où Costes se lamente, erratique et brisé : « Ah l’amour est un enfant de pute. Il agite son cul et je marche comme un con ! Ah l’amour est un menteur, il agite le bonheur et il laisse le malheur (…) Et nous voici tous deux pris au piège si doux (…) Le prix de l’amour : la mort et les larmes ! » Costes le sait comme nous le savons tous, l’amour est un mensonge ou du moins un mystère. L’amour nous enthousiasme, puis il nous brise le cœur. Mais l’amour – ce sordide imposteur – nous met pourtant en transe, nous transcende, nous excite. Il nous relie aux autres, par le cœur, la tête, les mots, le corps. Il est incomparable et cent fois plus puissant que le plus gigantesque projet politique, philosophique ou social. L’amour c’est la seule chose qui vaut vraiment le coup. C’est la chose la plus précieuse au monde. Parce qu’être amoureux, c’est être, ni plus ni moins, que terriblement vivant !
Auteur : Yann Kerninon
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J’ai, ici, l’idée curieuse de faire un parallèle entre l’œuvre de Costes et la musique profane du Moyen Âge… Une idée qui sent la spéculation vaseuse… Pourtant ce parallèle m’est apparu dès les premières écoutes. D’abord dans le poème épique qu’est Les Oxyures, mélange de bagage mythologique et de trivialité carnavalesque. Cela s’est confirmé à l’écoute de Sorcière, cycle sur l’amour déçu rappelant les cansos occitanes ou de longs cycles poétiques comme Le Remède de Fortune de Guillaume de Machaut.
Il y en a qui ne manqueront pas de s’insurger contre ce rapprochement. Dans les cansos occitanes ou dans Machaut, il n’est pas question d’horreurs scatologiques, de viols et de fellations… C’est oublier que ce qui peut nous apparaître comme antinomique ne l’était pas nécessairement au Moyen Âge. A titre de comparaison contemporaine, il suffit de regarder le cinéma japonais ou chinois dans lequel l’esthétique la plus raffinée côtoie des situations d’une rare trivialité, sans pour autant créer une solution de continuité.
Ce qui m’amène à parler du contre-texte occitan, forme littéraire longtemps boudée, à tort, par les philologues. Il est, au passage, bon de rappeler que les troubadours n’étaient pas, comme on les imagine souvent, des interprètes itinérants, mais des auteurs et compositeurs lettrés, souvent de noble extraction, ou tout au moins attachés à de riches seigneurs. La plupart n’interprétaient pas leurs compositions.
Les troubadours, qui ont défini et développé les codes littéraires du fin’amor, ont aussi manié l’art du contre-texte, texte provocateur et ludique, souvent obscène, scatologique et anticlérical. Précisons tout de suite que le contre-texte n’est pas un anti-texte, mais la conséquence logique du « texte », dont il utilise les codes tout en subvertissant la thématique. Il en serait même une sorte de commentaire, une manière d’envisager le texte dans sa forme inversée, comme la fleur qui fleurit en hiver, ou qui pousse racines vers le haut.
A titre d’exemple, je veux citer une traduction de la première cobla (strophe), d’une chanson d’Arnaud Daniel (un célèbre troubadour de la fin du XIIe siècle loué par Dante et Pétrarque : « Sur cet air gracieux et léger, je fais des paroles et je rabote et dole. Elles seront sincères et sûres quand j’y aurai passé la lime. Car l’amour à l’instant polit et dore ma chanson, que m’inspire ma dame protectrice et guide de tout mérite ».
Le même Arnaud Daniel a écrit dans un autre canso : « Le corneur (c’est à dire celui qui souffle dans le cul) aurait certes besoin d’un bec, et que ce bec fût long et pointu, car le cor (l’anus) est farouche, laid, poilu et jamais à sec. Et le marécage est si profond par-dedans que la poix y fermente et monte et s’en échappe sans cesse. »
Cette dernière cobla n’est pas une élucubration d’après beuverie. Il y a la même application, le même art de la versification dans les deux cansos. L’église n’a jamais condamné ce genre littéraire. Elle a pu s’en plaindre, mettre en garde les pécheurs. Mais elle n’a jamais cherché à censurer ou à châtier leurs auteurs (en tout cas au Moyen Âge).
Il me semble que Costes peut se situer dans cette tradition. Il y a, dans ses chansons, un même va-et-vient entre les vertus et leurs contraires, une même circulation des idées dans l’arène d’une psychomachie ludique, mais qui conserve par bien des aspects un caractère moral. Bien sûr, le champ des vertus modernes n’est plus celui des vertus médiévales. De cardinales ou théologales, elles sont devenues républicaines et démocratiques. On ne les appelle plus vertus, mais valeurs. Subvertir ces valeurs-vertus dans le cadre d’un contre-texte est un jeu sinon salutaire, tout du moins sain et nécessaire. Loin d’embrasser leurs contraires, Costes les commente, à l’instar des troubadours, jonglant (au sens médiéval du terme, c’est à dire jouant) avec les vices modernes que sont le racisme et la violence sexuelle. Narrer le viol monstrueux de son amante Darlyne, ne l’empêche pas d’exprimer avec frénésie son amour déçu et les souffrances qui en résultent.
Sorcière est à ce titre un très beau recueil de contre-textes alliés à des cansos courtoises.
Auteur : Jérôme Noirez
Livre Costes, L'Art Criminel
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Cet avis étant émis en ce mois de décembre 2017, soit 27 ans après la sortie de cet album (pressé), il est d'autant plus subjectif, à la vue du fait que j'avais 5 ans à l'époque, et ne connaissais pas Costes.
De par le fait, il s'agit d'un tableau peint d'une vingtaine d'histoires d'amour, relatives à l'inénarrable Darlyne. Oui ! Celle-ci même que l'on trouve notamment dans l'excellent roman Guerriers Amoureux. Bon ok, même si c'est « Darlène », ces deux filles sont quand même vraiment ressemblantes... En général, et comme toujours, les albums qui ne traitent que d'amour sont d'un profond ennui, mais comme d’habitude avec Jean-Louis, on ne se morfond pas une seule seconde avec cette galette. On m'avait souvent parlé de Sorcière, et avant de mettre la main dessus, je me suis interdit d'écouter ne serait-ce qu'un seul titre. Là, après de nombreuses écoutes, j'avais envie d'en faire un billet.
L'histoire se tient de bout en bout. C'est, corps et âme, que l'on plonge dans le bonheur frustré d'un garçon triste-heureux de vivre son amour si désiré, si rêvé, qu'il en devient totalement dément (« L'Heure Du Violeur »). C'est avec panache que ce jeu de petit adolescent en manque de vrai amour, me parvient aux oreilles ! Totalement frappadingue sur quelques passages (notamment à l'orgue électrique sur « Et Elle Me Tailla Une Pipe Au Cinéma », ou alors si tragi-comique sur d'autres (« La Chatte » qui me fait penser aux albums Plus D’Amour, Neurotoxic ou même certains passages de Aux Chiottes) ! Pourtant si c(irc)oncis à ne traiter que d'une seule fille, comme si le narrateur n'ai été amoureux que d'un seul être durant sa vie, la grandeur de cet album provient précisément du caractère obnubilé de la vision qu'on a tous en tant que gars, d'une fille qui nous fait valser la tête. Envie de lui chanter par monts et par vaux, l'amour que l'on a pour elle, au premier jour du coup de foutre. Il y a tout ça, oui, dans cet album. Du premier regard mièvre et complice, jusqu'à l'assassinat maladif et incisif, de l'ex-Roméo, devenu Guy Georges à ses dépens, du bel héros médiéval au cœur grand, au dépendant au subutex-cyprine éconduit par sa bien aimé, et par ses beaux sentiments. La fille étrangère, elle, paraît si distante, on ne ressent pas sa vision, elle est comme une poupée-totem, érigée au périgée (ou au périnée) de l'autel des larmes, trop belle pour être réelle, trop cruelle car inaccessible. Fadaises que sont les amours parfaites, et Costes chante ici la vérité, la vie. Cette vie non désirée, voir irritable, dans laquelle nous bataillons toutes et tous, afin de trouver un moyen de la rendre plus vivable. Le cul, les sentiments, la distance, les flatulences, la douleur de se sentir meurtri par un être cher que nous n'arrivons parfois plus à atteindre, alors que, les distances sont réduites (« À Cette Heure-Là »). La vie est l'amour, et la vie insuffle la mort aussi, et cet amour quasi-raté ou quasi-parfait, n'a d'aboutissement - ad hominem - que dans une sensation de perte de temps et d'énergie. Alors, parfois, on danse quand même sur un air de funk, comme sur « Vieille Salope », ou on se sent musicalement plus proche d'un krautrock (« Blanc Mais Pas Méchant »). Et parfois on s'enfonce dans la beauté majestueuse d'un requiem piano/tampura électronique comme sur « Devant Le Soviet Suprême », ou un rockabilly mélangé à du Negro Spiritual comme sur « Allez Darlyne ». Un album qui je trouve, n'arrivera pas à vieillir et à se démoder. Compte tenu de ce sujet qu'est l'amour, qui, depuis les premières traces de l'écriture, semble cramponné aux viscères de l'Homo. Et compte tenu de sa diversité musicale, ou j'ai voyagé entre rock, bordel de noise, funk, comptine et airs électro... Même le refrain de « C'est Moi La Négresse » me fait penser à celui d’un morceau de Barres De Rires, le premier album de Petra Pied de Biche. D'une confession de mec largué, décidé à laisser sa tristesse chanter (un peu à la manière des chants qui sonnent religieux, le missel à la main, sur l'éternel Catholique ou Langue De Chat de notre cher artiste), « La Chatte » ou « J'ai Tout Aimé ». Le meilleur riff rock reste sans Co(n)stés(te) celui de « Elle Est Dieu », ou le chant tantôt chanté, tantôt scandé à la Bernie Bonvoisin (de Trust) me fait voyager dans ces sonorités des années 80, ou cette hargne nous a fait découvrir l’émergence de bien des musiques ostentatoires. Là encore, « Merci À Celle » me fait penser à de vieux Running Wild, ou à de récents Alestorm ou Rumahoy, chant et air d'une piraterie sans précédent, métamorphose sonore d'une flibusterie certaine, ou d'aucuns verraient du premier coup d’œil, le crochet malsain outrecuidant d'un corsaire malpropre. Ça, et, la chanson d'amoureux largué, phagocyté par son entrain bringuebalant pour le sexe féminin, qu'est l'objet éponyme de ce qui nous a concerné là : « Sorcière ».
Visiblement, un des premiers chefs-d’œuvre de Costes. Je citerai Dupont pour ajouter à cela : « je dirais même plus », un de ses plus beaux chefs-d’œuvre de beauté, assurément. Merci Jean-Louis.
Auteur : Kad