La Vie Tue

2019 - LP
Détails : Jelodanti Records - Discogs
Extraits : Jelodanti Records


Écouter le nouvel album de Jean-Louis Costes, parmi les douceurs de l’époque, rappelle à quel point le Parisien occupe à lui seul un espace de radicalité musicale unique et nécessaire. Ceux qui ne s’y sont jamais frottés et croient, parce qu’ils écoutent de temps en temps quelques bizarreries américaines ou britanniques, qu’ils ont fait l’expérience de musiques qui dérangent pourraient être surpris. Car il y a chez Costes plus de surprises (bonnes ou mauvaises), d’audace et d’invention que chez beaucoup d’autres. L’homme qui aura prochainement 65 ans n’a toujours pas de descendance musicale. Jean-Luc Le Ténia avait, en son temps, développé un goût semblable pour la provocation et un même génie de la pop DIY. Il s’est malheureusement retiré trop tôt du jeu. 

La Vie Tue, qui sort en vinyl chez Jelodanti Records, est un album de 12 titres formidable, dissonant, maladroit, salace et d’une intelligence forcenée. Jean-Louis Costes y affiche, avec l’économie de moyens musicaux et vocaux qui le caractérise, une forme éblouissante et une envie d’en découdre avec son époque intacte et aussi déterminée que dans ses écrits. On entre dans cet album par le biais du sacré : un instrumental au piano inattendu, « Crépuscule », déroule une chopinade de trois minutes, guillerette et burlesque, qui se termine en ascension entre la Vierge Marie et un chat… tiède. Costes enchaîne sur le remarquable « L’Amour est mort », miniature délicate et fragile entre Dominique A trash et Jean Bart barré, chantée d’une voix chevrotante. « Comment c’est possible que l’amour disparaisse ? Comment c’est possible que l’amour meure ? Il était tellement vivant, chaud, palpitant. Je bandais toute la nuit et toute la journée et elle mouillait comme la fontaine des féés. Et d’un coup tout s’est arrêté, la source s’est tarie, le pénis est mou, tout mou, mooorttt. » Le morceau dure à peine plus de deux minutes et réussit autour d’un texte cru et naïf à la fois à créer une extraordinaire émotion romantique. 

La Vie Tue travaille au corps la manière et les matières amoureuses. C’est ce que Costes prolonge avec une même réussite sur les deux morceaux qui suivent. « Préhistorique » est un conte cruel aux arrangements baroques/industriels où deux amants se dépouillent de leurs artifices (et de leurs téléphones) pour vivre comme des hommes préhistoriques… romantiques. Sur « Allongé Dans Un Pré », le morceau le plus « up to date » ici, le chanteur singe Maître Gims et les chanteurs qui dominent le marché en produisant la plus incroyable chanson existentialiste de ces dernières années. L’utilisation du vocoder sur la voix fausse et cassée de Costes est une idée de génie qui est non seulement hilarante mais s’impose comme la critique la plus décisive et convaincante qu’on a entendue de cet instrument de mort. Le texte est un must également : « m’allonger dans un pré, sous le ciel étoilé, mes yeux sont aspirés par l’étoile dorée. Le corps mort, l’esprit vivant. Les yeux fascinés par le Dieu évident. Oublier le monde, oublier les emmerdes. S’évader du corps. L’esprit sort de sa cage.» Suit l’inévitable masturbation, signature aussi récurrente et codifiée que chez Houellebecq et aux contours similaires d’aboutissement physique, spirituel qui, par essence, ne dure pas. 

La Vie Tue touche au sublime quand Costes reprend dans une variation assez éloignée de l’original (textes et paroles revisités en toute fidélité) « La Coco » de Fréhel. Ce morceau est extraordinaire, arrangé comme du Suicide et conclut, comme dans la version de départ, par un meurtre au couteau qui donne au chanteur l’occasion de verser dans la folie. C’est Frankie Teardrop sous coke qui rejoint la culture de la chanson française et de l’opérette, chanson monstre et de déséquilibre intense. La face B du disque n’est pas en reste et alterne les exercices de style. « Trop belle pour toi » est une vraie belle chanson qui se tient, encore une fois, à la limite de la parodie et du sentimentalisme premier degré mais qui fonctionne aussi bien qu’on l’écoute pour rigoler ou pour s’émouvoir. Tout le talent de Costes tient dans cette capacité à être crédible et émouvant jusque dans l’expression d’une folie exubérante et sans entraves. La Vie Tue est terrible, difficile à écouter, scatologique et porno mais s’avère poignante dans la durée. Le titre est comme un uppercut, violent et pas si simple à soutenir, tandis que les arrangements, assez incroyables, incorporent une matière post-punk, des instruments classiques et ce qui ressemble à des samples qui font penser aux collages sonores d’un Martin Rev en roue libre. Le reste est à l’avenant : simili chav rap à la MC Deevo dans l’incroyable « SMS Dans Les Toilettes » ; plainte insoutenable et lugubre sur « Dans Un Monde Sans Musique », ou slam cheap et minimaliste, mais aussi bouleversant, sur l’énorme « Un Pont Suspendu ». Il ne faut pas commettre l’erreur de croire que tout cela est fait à la va vite ou n’est que l’expression d’un esprit dérangé. Chaque outrance est maîtrisée et contenue dans un cadre musical strict et référencé. Costes a développé au fil des décennies une vraie science du dérangement qui s’appuie autant sur le punk et le lâcher prise que sur l’incorporation d’éléments classiques. C’est une révérence aux temps passés qui montre ses fesses au futur. C’est comme cela qu’il faut recevoir La Vie Tue, comme un cri de désespoir et d’amour mêlés. Il faut écouter le final « Ca Va Faire Boum » pour comprendre que Costes a tout bon. Le vocoder est de nouveau de sortie sur une déclamation nihiliste : « Je vous préviens les mecs. Ca va faire boum partout. Pas la peine de faire des projets, d’acheter des baraques, de faire des études, de faire des économies et se prendre la tête, de se marier, de faire des gosses tout ça. Ca va faire Booouuum. Bouuum partout. » D’où qu’on se place, il n’y a rien à redire. 

Costes pratique la politique de la terre brûlée. Tout ce qu’on peut écouter après lui est rendu dérisoire et plus léger que l’air. C’est à cela aussi qu’on reconnaît les disques importants. Ils ne font pas forcément plaisir mais remplacent tous les autres. La Vie Tue est un disque majeur, con et brillant, régressif et décisif, un disque politique et à sa manière plus œcuménique et fédérateur que tous les discours de réconciliation nationale.

Auteur : Benjamin Berton

Trash Romantique

2016 - CDR
Détails : Eretic
Extraits : Youtube - Deezer


Costes avait déjà servi notre fratrie en 2015 avec le LP live « Costes au piano à queue » intitulé Le Fantôme D'Archie Shepp. Un vinyle que je trouve particulièrement réussi, tant par sa qualité sonore, que par les titres choisis, qui conviennent parfaitement à un registre piano. Ce vinyle sortit chez Charivari avait été initialement enregistré en live (donc avec des gens dans le public), aux Instants Chavirés, sorte de lieu de pèlerinage pour Jean-Louis.

Là, il remet le couvert ! Avec le CD « concert piano chant », autrement appelé Trash Romantique, le bras vert-alien de Costes semble possédé, déjà sur la pochette. Ce disque sorti début 2016 possède les qualités d'improvisation que l'on connait de Jean-Louis, et des pistes parmi les plus belles (dans le sens commun) qu'il ait pu inventer. A vrai dire, cette liste de titres s'accorde pour la plupart aux versions que l'on peut connaitre sur les albums. Mais, il y a un « mais » ! Les arrangements de certains titres sont vraiment novateurs, je trouve qu'il y a une sorte de « lâché » sur ces quelques pistes, surtout une fois qu'elles sont bien entamées. Les mélopées sont directement chantées en tête comme d'après les albums, mais il y a un certain côté « impro » surprenant. Il y a aussi ces pistes (par exemple, « La Gaule Du Matin » sorti initialement sur l'album Un Sparadrap Sur L’Anus) qui sont proprement recomposées, ça en fait un nouveau morceau ! On y retrouve les deux personnages cultes en train de se prendre le chou, mais cette fois-ci, dans une ambiance tantôt « be-bop » tantôt mélodramatique qui convient justement à ce titre, trop souvent prit pour l'hymne porno-caca de Jean-Louis. Là tout prend une ampleur plutôt accès mélodrame et profondément jazzy. Juste de la voix, du piano, et beaucoup d'impro qui donnent à ce disque « pseudo-live » un côté très spontané ! (pseudo-live puisque là il n'y pas de public).

Il y a aussi de ces chansons (la fin de « Montre-Moi Ton Zizi » de l'album Enfant Criminel) qui nous emmène dans un pétage de plomb familial assez porno-incestueux qui frise la démence, sans nuances, encore plus que sur album ! Il y a aussi de ces musiques, comme « Rentré Bourré » qui poussent la composition musicale encore plus loin avec les modulations au milieu de la piste, qui feraient presque penser à des gammes chinoises ou japonaise ! Dans le piano tout est bon, j'ai du mal à savoir si tout a été fait d'un coup, car les utilisations de pédales du piano sont bien senties, il y a une profondeur de son très sympa. Il y a même les bruits de chaise/tabouret, qui donnent ce grain particulier derrière la voix. On entend tout, ce live nous fait voyager. Espérons que Jean-Louis fasse un jour aussi un nouveau live avec davantage de pistes de ses albums plus récents, mais je dois dire encore que la sélection des chansons pour ce Trash Romantique est parfaite. Aussi, je note la présence d'une version enregistrée (peut être la première fois pour le public ?) de « Pédé Secret ». Chaque version que j'avais entendue de ce morceau est différente car jouée en live. Et c'est sûrement la magie de ce titre, cette invention folle, cette histoire de merde sur un gode, de vache-qui-rit, cette impro sur Sodome et Gomorrhe, cette descente dans la rue à poil, etc... Ce qui est dingue avec ce genre de titre, c'est qu'on s'approprie l'histoire. Il suffit ensuite qu'on soit fan de l'air principal et hop, ça fait un tube. Costes : la machine à tubes ! Enfin presque, c'est mieux que des tubes. En général les tubes, on s'en lasse après les vacances à la mer. (Ils sont partis à la plaaaaage ! Ils sont partis à la plaaaaage ! Mon meilleur pote et cette salope !). Là, ça colle à la peau.

La technique musicale est impressionnante, et plus je l'écoute, ce live, plus je me dis : mais non en fait. Il a vraiment joué en même temps qu'il a chanté. L'exercice avait pourtant l'air de paraître très dur. Sur le LP Le Fantôme D'Archie Shepp, Costes installe ses compos en y ajoutant un zeste d'impro là où ça lui prend. C'est du moins l'idée que je m'en fais. Sur ce CD live en revanche, on sent que les endroits « pétage de câble » ont leur place d'avance. Ce qui permet (pour au moins la moitié des titres) de retrouver la chanson de la version album « quasiment intacte ». C'est donc, louvoyant entre les flots de mélodies de cette grosse heure de « concert privé », que je m'amuse à découvrir des nouvelles moutures de certaines chansons. Par exemple ce « On Jouit Comme On Peut » de l'album Les Fées, Les Culs, Les Tourments ou son intro « Enculé En Variété » du magistral album éponyme. En vérité et une fois de plus : sur ce CD de Costes, on n'a rien à jeter. L'ascenseur émotionnel est présent et tient en haleine de la première seconde au 19ème titre. 19ème titre, qui, d'ailleurs, fait honneur à l'album Aux Chiottes.

Comparativement au live Le Fantôme D'Archie Shepp, ce CD ne possède peut-être pas de morceaux complètement improvisés tels que « Lalalalaaaaaa », « Cloclo » ou « Le Fantôme D'Archie Shepp » mais développe 11 autres titres aussi déments que d'une douceur extrême. Ah, ça y est, j'ai trouvé un doublement de voix ! Sur « Merde amoureuse » et « Quand Viendra La Guerre ». Un peu de travail de post-prod donc, mais qui n'entrave en rien l'honnêteté et le travail monumental que Jean-Louis nous propose ici. D'ailleurs je me dis qu'il ne serait pas logique de faire un live si c'est pour que les pistes soient moins « illustrées » que sur les versions albums. De toute façon avec un micro live branché sur un octaver, le rendu « double chant » serait là aussi. « Le Frère Mort Sur L'Épaule » fait partie des plus belles interprétations et orchestrations de ce live. Vraiment le piano et l'histoire vivent et vibrent tellement fort dans le cœur que cette chanson est un des pylônes de ce disque. Les mots me manquent pour décrire le punch et la musique de ce titre.

Vers l’issue de l’album, on retrouve « Seule La Musique », si dingue aussi bien en live qu'en album. Et là, on a le droit à un mélange des deux. Des ambiances résonantes du live, et de la profondeur de la tristesse du sujet. On trouve ensuite « Sans Alcool Et Sans Drogue », titre le plus récent de Costes au moment de l’enregistrement de ce disque, avec ces passages dingues au milieu de la chanson, en impro, et qui déboulonnent le titre pour le meilleur ! Un exemple encore de la spontanéité et de l'inventivité du travail vocal et de piano de Jean-Louis, qui n'a pas franchement d'égal dans le genre. Finalement on a « La Musique Vient Du Cœur » de l'album Vétéran Des Rêves Oubliés, qui offre elle aussi des événements mélodiques et vocaux novateurs, comparé à la très belle version album. Pour conclure ce disque, Costes nous offre « La Danse Des Crottes » dont je parlais tout à l'heure. Refrains frénétiques et mesquins qui feraient presque oublier les chansons de cœur que Jean-Louis a enregistré tout au long de ce CD magique (une fois de plus).

Plus de 20 ans d'ambitus de compositions, plutôt axés pour la plupart des titres sur la période 1996/2008. Encore une fois un must, à écouter régulièrement !

Auteur : Kad

Cette chronique a été faite sur la base de la version CDR du disque car sur les différentes versions dématérialisées de l'album il n’y a que 18 morceaux, le titre « Sans Alcool Et Sans Drogue » étant absent de la playlist.

Sexe Tordu

2015 - CDR
Détails : Eretic
Extraits : YoutubeDeezer


Rêves cosmologiques. Angles concaves dans l'étrangeté que Costes à l'habitude de nous offrir, religieux dans les saturations d'octaves oubliées. Permanences d'insouciants dégueulis, fulminants de billets dressés tels des origamis, Sexe Tordu est le panégyrique des aboiements lyriques que l'on espère d'un artiste tel que Costes. Hard FM de la turpitude permanente du corps humain, Jean-Louis propose en Sexe Tordu, un album très 90's. Bravant les interdis à en juter n'importe comment sur des mélodies d'enfants de trois ans, et, à proposer des poésies plus qu'impropres sur les bijoux familiaux, le sexe paraphilo-décalé est de norme dans cette rondelle. Surpassant le niveau d'un Tyler Bates, musicalement, ou d'un Tim Burton dans ses excès théâtraux, Jean-Louis exècre et abhorre les turpitudes immenses de ses souvenirs matrimoniaux qui sont d'un caractère naturellement acerbes, plus que jamais. Acides et negro-spiritual, mélange de peurs technoïdes opiniâtres et résolus, Costes n'en a que faire de ses émanations eucaryotiques résolument fécales. Il les défèque comme une vieille grammaire que l'on récite aux cours élémentaires. Un must-have.

Auteur : Kad

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Cette pochette existe dans une version alternative sur Youtube et Deezer :

Rafales De Kalash

2015 - CDR
Détails : Eretic - Discogs


L'album engagé. Un album sans concessions sur les saloperies qui nous entourent. Nous ? Les français sous le régime de François H. Premier. Sous les ordres de Manu « El Blancos » Vallseuse. Un ras le bol dégénéré pour une génération de soumis. Qui avait dit que les élus étaient les servants de leur peuple ? On remet les pendules à l'heure. Rafales De Kalash : déclencheur des frustrations « made in médias » de nos peuples flétris par un monde trop souvent cintré. Entre les mélodies tout droit venues des derniers Gary Numan, électro-dark, et les premiers Prodigy... La kalash de Costes renvoie la balle de votre côté. Et le canon est bel est bien de son côté. Anarcho sévère ; au paroxysme de son art vénère, Rafales De Kalash pond ici un pamphlet en 14 actes flirtant entre les lamentations du « mec de base » que l'on est tous, et le chant haut et fort du héraut de Montjoie. Tristes syllogismes et comparatifs à pondérer sur la larme que d'aucuns font lorsqu'ils pensent à leurs conditions dans ce modèle social duquel l'on provient et dans lequel l'on périra, Costes pond ici un monstre claustral mais aussi belliqueux, qu'il dépose au catafalque de son art. Là où Death In June avait écrit l'histoire, Jean-Louis écrit toutes les didascalies nécessaires. Un gros chargeur : une infinité de doigts d'honneur.

Auteur : Kad

Piou-Piou Pleure

2015 - CDR
Détails : Eretic - Discogs


Et vous savez quoi ? Dès le début de cette galette, on a le sentiment de ne pas vieillir. Ces vers que les oiseaux bectent. Ils sont encore là. Les mêmes qui louvoient dans l'ampoule rectale. Ceux de l’album Jouir En Chantant. Ceux des opéras porno-sociaux. Ceux de Costes. On ne vieillit pas. On trouve ces vers partout. L'oiseau Piou-Piou en a ras le bol de ces vers. Les vers de Baudelaire. Album sinistre par l'ambitus musical qu'il utilise. Tantôt noise, tantôt poét(r)ique, Costes surprend encore par la transe haïtienne et voodoo dont il fait preuve. Dies Irae d'église mixé dans la techno-thrash, vraiment, pilonnant de manière cathartique les drames de l'âme du Quetzalcoatl que l'on est. A attendre la becquée de la part de maman gouvernement.
- Maman ! Maman ! Le monsieur il m'a touché !
- Oh ! Mais mon p'tit oiseau ! Si quelqu'un t'a touché alors je t'interdis de rentrer dans le nid !
- Mais Maman !!!
- *flop flop flop* (bruit d'ailes de Maman oiseau qui part au loin).
Solitude. Défonce mentale. Piou-Piou pleure et navigue dans les ombres des lueurs noires que l'on cauchemarde trop souvent dans les reptations habituelles de nos logiques. Y'à des gens qui disent... Qui disent que Costes, c'est mauvais ! Et si seulement c'était mauvais, alors cet album va les convaincre. Impossible de se passer des mélodies de cette galette pour les amateurs d'Art Vrai. Les autres : on s'en fiche. Implorant le Dieu nombriliste que l'on a tous en soit, sans jamais pouvoir le prier ; Costes invoque ses toutes nouvelles diatribes pour niquer la bien-pensance hellénique et contemporaine. Prions dans une église pour sanctifier nos mauvaises pensées. Accords tritons batraciens, accordés sur un « Bontempi », Costes appose certainement ici, un sacré coup d'boutoir dans l'éviction du « censé », dans l'expression des « sens ».

Auteur : Kad

Blues Des Blancs

2015 - CDR
Détails : Eretic - Discogs
Extraits : Deezer


Chevalier Jean-Louis s'en va vers l'Orient. Les Lors, riants, lui demandent comment ça se passe en Occident. Oxyures et nématodes aidants, Chevalier Jean-Louis offre une réponse très « Monty Python ». Un monde dans lequel, écrémés, les citizens ne savent plus comment pouvoir prouver leurs beautés. L'infâme raclure que l'on appelle improprement « droit de penser ». Cette infâme engeance que l'on se targue d’appeler le « droit à la critique ». Bordel ! On n'a même plus le droit de critiquer sa propre vie ? Sa propre existence ? « Vous vous rendez compte la merde où on est ? » éructe Jean-Louis. Les Lors ne savent plus quoi dire, et écarquillent leurs yeux, billes d'onyx froides dans ce climat magmatique. Coincé entre Merzbow et Lisa Suckdog, Costes ne peut pas crever. Un sacré espoir. Idoine satisfaction de la plèbe de par le fait, impossible d'accéder à un niveau de réflexion plus haut, Costes s'en délecte et joue sempiternellement de sa faculté à adresser à l'auditeur une collection de pistes ultra scato-chauvine. Non de Dieu ! Ou Nom d'un Dieu ! Impossible de s'adresser à des oreilles dans ce vacarme de téléréalité mièvres et ces pseudos décisions politiques votées à 4 heures du mat', avec 6 mains levées sur 7 présents, dans l'ombre... Régime dégueulasse duquel le Chevalier Costes n'a cure, Blues Des Blancs s’entretient plus que jamais avec l'idée que l'on soit victime de la grande parade de Disney lorsqu'on vote, ou que l'on regarde notre gouvernement gesticuler pour nous faire cracher, en nous faisant croire que nous tous ici, sommes en danger. Et qu'eux seuls, peuvent nous rassurer. Non. C'est le Chevalier Costes qui nous veille. Le gouvernement nous surveille. Mais un chevalier vaut mieux que ça. Lui au moins à un honneur. Et nous tous, avons encore un honneur, même dans l'horreur. Un album néanmoins éclectique, entre les problèmes sociaux, les chimères campagnardes, mais surtout, une aversion certaine envers le jeu de rôle que nos dirigeants s'amusent à faire avec nos vies.

Auteur : Kad

Araignées Du Soir

2009 - CDR
Détails : Eretic
Extraits : Costes - Youtube - Deezer


Je pensais, avec ma collection (pas encore complète) d'albums de Costes, que j'avais tout entendu (et tout vu...). Cet Araignées Du Soir m'a été très dur à appréhender. Mais plus je me le passe, plus je me dis qu'il s'agit là encore d'un album musical très complet. Je ne saurais pas dire si ce sont les musiques que je préfère, ou les textes. Encore une fois, j'ai l'impression que la symbiose est présente, et que tout est là, à point nommé.

De prime abord, je me suis dit : tiens, un album de Costes très lent, « mid-tempo », et pas franchement très agressif ou dégueulasse dans le propos. Je pense que j'ai laissé de côté très longtemps cette galette à cause du fait que je l'écoutais comme un neuneu, comme un type qui dit écouter de la musique, mais qu'en fait, est en attente d'avoir un « choc », une « révélation », de la part d'un artiste comme Costes. Comme si l'artiste devait tapiner ses auditeurs pour être plu. Non mais n'importe quoi...

Araignées Du Soir ne m'a pas fait ça, et je dirais que dans ma collection de CDs de Jean-Louis Costes, celui-ci faisait un peu grise mine. Non pas qu'il soit « easy listening » ou facile d'accès, car il est quand même complètement unique. Très intelligent, très profond (encore) de par le propos artistique et en particulier les paroles. C'est un album que je trouve très investi dans les douleurs intestines de la vie. Le petit train-train de tous les jours, narré comme un journal intime et finalement, ce CD est particulièrement touchant. Et souvent des mélodies mineurs (dans l'armure musicale). Ecoutes après écoutes, je sais que cet album, très honnête et humain, ne trône pas parmi mes préférés. J'essaie donc d'avoir une vision ouverte sur ce sujet.

D'une, je suis très friand des frasques artistiques de Costes.
De deux, il faut dire que comparé aux autres albums de Costes, celui-ci est vraiment, comme mentionné plus haut, très calme. Donc si je ne connaissais pas les autres albums de Costes, je pense que cet album me toucherait davantage. Donc, très simplement, j'aime à présent me mettre cet album pour me détendre, et pas pour me venger ou me défouler. Et pas non plus pour m'esclaffer. Attention ! Album mélodieux et super sérieux dans les messages en vue !

Cet album donne beaucoup de courage et de beauté à notre propre vie. Conté à la première personne du singulier, (comme les autres) ce CD rejoint une certaine réalité de la vie contemporaine, peurs, incertitudes amoureuses, démons sortis de l'enfance, regrets, etc. La chanson « Trou Froid » est cependant une de celles qui rejoignent l'aspect le plus hypnotique et angoissant des autres productions de Jean-Louis. Etrangement après cette piste, l'album se dévoile de plus en plus. Toujours très calme, on arrive à se chanter sous la douche l'air de « Classique Histoire De Cul ». Une ballade très intense qui mêle sentiments charnels et attraits au cosmos, sans pour autant arriver à pleurer. C'est très frustrant, un peu comme l'excellent titre de Les Fées, Les Culs, Les Tourments : « Coupez Les Fleurs Du Mal ». Une révélation certaine dans l'aspect le plus beau des compositions de Costes, vraiment très fort pour la composition qui mêle des aspects « variété » et « musiques romantiques ». Le titre suivant, « Dans L'Ascenseur En Panne », représente bien la pochette arrière du CD. Du tout au tout, et un pétage de pile à l'usage, comme Monsieur Costes (du syndicat des musiques Romanticoïdes) sait parfaitement faire, et j'aurai du mal à croire que cette piste ai été placé en mode « random » juste après dans le tracklist de l'album... En tout cas c'est réussi. L'ascenseur émotionnel n'est en revanche pas en panne. Vient ensuite « Des Désirs Un Peu Trop Fous », morceau prenant et faisant monter le stress, ce qui n'est pas sans me rappeler un titre comme « J'assure » du sublim(inal) L'Avant-Garde De L'Hôpital, très angoissant mais en même temps si lyrique... Titre représentant parfaitement la couleur de ce disque : on sait qu'il va se passer des choses hallucinantes dans les histoires contées et chantées, mais lorsqu'on vit cette histoire avec Jean-Louis, on se perd plus souvent dans les belles mélopées qui nous enivrent, sans jamais arriver à sombrer dans la folie ! « Occasions Ratées » nous emmène de nouveau à la réalité emplie de névroses, qui fait ce que la vie fait : nous emmerder avec les prises de choux issues des tunnels noirs de la maladie de l'amour. Superbes compositions et orchestrations qui font honneur à un titre court, mais franc. Ce qui m'amène à un des plus beaux titres de l'album Araignées Du Soir : « Fatigue Mortelle ». On fait le lien très vite avec l'album Pas Encore Mort... Le refrain est prenant et bourré d'émotions, ceci messieurs-dames, est une musique parfaite : de la composition au ressenti très nombriliste et exténué du « personnage JLC », aux paroles... cette piste s'inscrit dans la grande lignée des chansons les plus émotives et déprimées que j'ai pu connaitre jusque-là (de Costes ou non). Puis « Ci-Gît Costes ». Il est en train de gésir. Il sort de son personnage pour prendre le rôle non pas de la personne même de Jean-Louis, mais de son Némésis, détruit par la vie, et qui rentre dans son palais divin. Un refrain de monstre très « musiques militaires » ; la misère racontée - très empathique - tente d'être effacées par la religion. Non pas la foi, mais bel et bien la religion, comme si elle était la seule chose salvatrice pour occuper son esprit et tout oublier... « Erreur Fatale », le nom du titre suivant est encore un panégyrique de composition et d'interprétation personnelle, ce qui donne ici encore un bien bel exemple de ce que Costes sait faire aussi bien que de faire le monstre dégoûtant : créer un personnage le plus humain, physiquement et psychiquement. « Parti En Fumée » me fait penser à Jean-Sébastien Bach qui aurait pris trop de coke et trop d'alcool en même temps, je me suis imaginé un personnage en coiffe XVIIème, matraquant son clavecin avec le pied en jouant son petit air rigolo. Je note aussi particulièrement une piste plus loin, la dernière pour ainsi dire, qui vient à exprimer la propre carrière de Jean-Louis ? « Milliers De Chansons, Millions De Souris ». On ne sait pas si on doit rire, encore, ou chagriner. Très belle mélodie, textes très bien posés et le propos est très amusant... Trois millions de chansons ? Les mêmes trois accords ? Les mêmes mots à la con? Pour faire sortir une petite souris ? En tout cas, cette chanson fait sortir la petite larme.
Un album étrange, non pas « mainstream » mais qui sait plaire par sa simplicité et son travail au coeur. Chapeau l'artiste.

Auteur : Kad

Cette chronique tient compte de l'ordre des morceaux tels qu'ils sont sur le CDR, car ils sont organisés différemment sur les versions dématérialisées de l’album.