Secouez... Crevez !

1986 - LP/CDR
Description : Le 1er disque !
Détails : Costes - Discogs
Extraits : Youtube - Deezer


« Nous avons moins besoin d’adeptes actifs que d’adeptes bouleversés. » (Artaud)
Si de dire pine suffisait à bouleverser quoi que ce soit, je dirais pine tout le temps.
C’est quand même moche de commencer une chronique par incendier un type de son âge. Enfin vraisemblablement. Je trouve. Ce sont des choses qui se pratiquent à la guerre… Et puis surtout, incendier c’est vite dit.
J’ai commencé par dire, j’ai jeté, et voilà je dis quand même. Je voudrais par-dessus tout dire fraternellement (quel mot, merde !). Polémiquement, et somme toute fraternellement, j’ose, oui. Je demande la permission préalable à Costes de le tutoyer. Merci.
Parce qu’au fond c’est une lettre ouverte que je t’écris. Ouverte : mais se poser d’abord la question de comment lire un(e) critique, de qui de quoi pourquoi écrit-il, pour qui ? Vous pouvez quand même rester.
Ça s’appelle Secouez… Crevez !, donc c’est français (ça tombe bien, tiens ; mes respects monsieur le Ministre), c’est un premier disque, qui vient après une longue patience : 19 K7 existent, dixit l’auteur. C’est autoproduit, bruitiste, minimaliste, industriel, enregistré dans sa cuisine par Costes soi-même, heurté gratté sur des objets, chanté hurlé braillé gueulé craché glavioté déféqué éjaculé mixé en studio, littéralement électrifié. C’est délibérément politique, franchement porno, violent hirsute échevelé provoquant. C’est tout ce qu’on cherche. Ça m’a déçu.
J’ai conscience de blesser en écrivant ça. Alors je développe. Je veux dire ce que je n’ai pas aimé et puis ce que j’aurais voulu aimer mieux.
On peut regarder vers rien. Je m’entends. Nada. Le rien admissible, le rien-de-bien-propre-sur-soi, le rien à foutre, l’air de rien et l’art du rien. Mais cette façon de mettre un peu de tout, du rock, de l’industriel, de l’ustensile, de la haine, de la douleur, de l’envie de baiser, des taches sur les draps, des pleurs et du rendu, tout ça malaxé broyé concassé, on ne m’ôtera pas de l’idée que ça fait un trop qui ne fait plus grand-chose, ou alors du déjà entendu ailleurs, à la fois plus ténu et plus tenu.
Là je choque, parce qu’enfin tenu, autant dire maîtrisé, c’est aussi un mot de flic. J’ai mal dit ; on aurait dû entendre tendu, (repentir). C’est la même chose au fond. La provocation exige le rassemblement des forces nécessaires, pas le calque des provocations précédentes.
Dans Secouez… Crevez !, il y a de l’enfance cherchée, comme on dit chercher à faire l’enfant, comme l’enfant cherche et tend son sexe. Comptines. Seulement ce que je cherche dans l’enfance de l’art, c’est plutôt de l’enfance trouvée, déjà là ; il faut seulement creuser encore.
J’aurais voulu aimer plus et mieux « Jésus Mon Dieu » (c’est le titre du premier morceau de la seconde face) et deux ou trois autres chansons, plus même, « J’ai Pas Peur De La Nana », qui ne sont pas avares de promesses. Mais ce que désespérément nous cherchons dans le blasphème, ce n’est nécessairement pas de le reconnaître pour tel, au passage, comme une terre connue, ou un paysage d’adolescence, mais d’y trouver un bouleversement au moins égal à celui de la prière.
De toute façon, le bouleversement, j’en ai parlé à l’initiale. Il faut impérativement imaginer un désordre plus fascinant que l’ordre même.
Costes a certainement été, naguère, comme tous, encore un peu toujours, un gosse impossible. Je me fous du gosse, je cherche l’impossible. J’espère seulement avoir laissé entendre qu’il était sur le chemin. On n’écrit pas pour autre chose.