Ma Vie De Hippy

2015 - LP
Description : Les mésaventures de Costes, hippy dans les annees 70
Détails : Eretic - Discogs
Extraits : Youtube - Deezer


L’inventeur de la pop-noise made in France a sorti le meilleur disque sur les seventies de tous les temps.

Costes est un artiste underground protéiforme : écrivain, cinéaste, dessinateur, performer et surtout, musicien. Ses morceaux sont basés sur des mélodies pop minimalistes, puis sont ensuite plus ou moins déconstruits et perturbés par un chant qui oscille entre chanté, parlé et braillé. Le résultat obtenu est une sorte de chansonnette bruitiste aux paroles explicites, et aux ambiances toujours très variées. Depuis le milieu des années 80, il a produit plus d’une centaine de productions musicales tous supports confondus.

Ma Vie De Hippy relate ses mésaventures dans les psychédéliques années 70, et même si on sait toujours à peu près à quoi s’attendre avec Costes, on reste tout de même chaque fois surpris par l’intensité de ses créations. Seventies obligent, le disque comporte une plus grande présence de guitares, et même de quelques solos, mais la voix de Costes reste dans ce registre saturé si caractéristique. « Les jolies hippies sont des vieilles junkies. J’ai plus de cheveux, j’ai plus de dents. » ironise d’emblée le morceau d’ouverture « Les Beatles Sont Morts », et lance le ton de l’album : drôle, trash et tragique. D’un bad trip extravaguant à une loufoquerie de flippé, la came monte au cerveau de Costes pour notre plus grand plaisir : « Un éléphant m’encule et je suce un cobra. » De Bombay, on s’envole vers le Maroc, puis ensuite pour la Colombie. Du LSD au shit, du shit à la coke, Costes va immanquablement rater tous ses business de drogué. « Le Blues De Jimmy » invoque un Hendrix défoncé et hystérique sur une composition bruitiste à l’ancienne : les enculés d’industriels apprécieront. Costes cultive ce talent du propos totalement décalé mais qui sent bon la poésie extrême et second degré dont lui seul a le secret : « Je vomis dans les chiottes turques plein de merdes d’hindous. » Sur un fond d’électronique vaguement transe, « Enculé À Ceylan » est digne de ses meilleures saynètes musicales et s’écoute sans vaseline. « Caca Trip » est un délire totalement convulsif, encore un monologue noise comme lui seul sait le faire. Après les balbutiements sexuels de la « Première Boum », Costes raconte l’amour libre dans « On S’Encule En 69 », et peut enfin jouir de tout son soûl. Le synthé low-fi à la mélodie dark de « Idéologie Satanique » est contrebalancé par un texte anéantissant l’idéologie du Flower Power ; le constat est rude mais pertinent : « Où est le monde meilleur que vous nous promettiez ? » Sur « Hippy Avec Un Fusil », Costes poursuit sa réflexion lucide de cette époque sur un piano entraînant : « Ce qui était chiant avec les hippies, c’était la zone, c’était la drogue, le pacifisme à deux balles et le communisme à la con. Ce qui était bien avec les hippies, c’était merde à l’état, merde au progrès, merde aux objets, tout quitter, se démerder et s’aimer. » Ce touchant morceau évolue en une forme de parabole sur son propre parcours, et symbolise l’exemple parfait de cette nouvelle forme de variété aux paroles crues et dont il est l’unique dépositaire. A noter les deux titres de fin des faces du vinyle qui ramènent le pédé-drogué Costes à l’âge de 20 ans, dans deux sketchs où il est mis à mal par ses parents. Ces récits hautement fantaisistes, mais que l’on imagine en partie autobiographiques, sont récurrents dans l’univers Costien et restent à chaque écoute extraordinairement jubilatoires.

Certes, écouter du Costes ne laisse pas insensible, et toutes les oreilles ne sont pas faites pour son art si singulier. Mais, il y a vraiment dans ce disque un peu tout ce qui fait son style, autant musicalement qu’au niveau des textes. Alors, si votre cœur est bien accroché, laissez-vous tenter par cette aventure sonore peu commune, vous en sortirez grandis et lavés de tous vos péchés.

Auteur : Cyril Adam
Site Sun Burns Out

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Je vais vous demander de bien vous tenir à vos accoudoirs, car avec l’album dont je vais vous parler on est très loin de la putasserie pas chère des rappeurs à la mode, on est très loin des carnets de voyage de la bégueule Julie Andrieu, on est très loin aussi de l’électro pop sirupeuse qui me court dans la cochlée contre mon gré, on est très loin tout court. Mais très ancré dans le réel. Car quoi de plus romancé qu’une histoire sinon le réel. Oui, le réel va plus loin que l’imaginaire car le réel est tellement viril qu’on se sent obligé de l’édulcorer quand on le raconte. Mais Jean-Louis Costes n’est pas de l’aspartame, non. Il raconte le vrai, le coup de braquemart bien raide. Alors quand l’artiste aux mille facettes (auteur, chanteur, musicien, dessinateur, performeur…) qui ne scintillent pas de mille éclats nous raconte sa vie de hippy dans son dernier album seulement sorti en vinyle pour plus de craquements, on ne s’attend pas à des histoires à l’eau de rose à propos de trips hallucinatoires gentillets au Club Med de Goa. Ça, vous le faites déjà assez sur vos comptes Instagram.

Dans le DIY, Jean-Louis Costes se pose là. Tout fait maison, de l’enregistrement au mastering et ça s’entend. Si l’album est sorti en vinyle pour cracher encore mieux, c’est peut-être en cassette audio dans ma voiture pourrave que j’aimerais l’écouter, fenêtre et volume ouverts à fond, comme j’aime le faire sur les Bérus par exemple en criant ma joie au monde : « Bad tripes à Bombay ! Bad tripes à Bombay ! » où tu concentres à mort, la chiasse au bout du tuyau. Et ici on se retient pour 15 chansons relativement courtes, entre 1’11 et 3’30. Dans un excès de saturation, de hurlements où il « en a rien à foutre de la musique » pris dans un vrai Blues Noir qui n’en à rien à foutre de jouer le « Blues De Jimmy » pour un palanquée de petits bourgeois. Le trip de Jean-Louis passe outre les styles et nous emmène de Bombay à la Colombie, en passant par Ceylan et le Maroc au gré de la drogue car la coke ça rapporte plus que le shit. Ça fume du kiff à Ketama, il devient le roi de la coco en Amazonie, et tout ça avec des délires pornos dans tous les sens où « n s’encule en 69 », car en 1969, tout est beau, tout est neuf avec sa liberté de baiser où l’on évoque les MST et le Sida à venir.

Les icônes des 60 et 70’s y passent et y prennent pour leur grade, les Beatles qui sont morts, Janis Joplin qui incite à se droguer, Jimmy Hendrix qui meurt en Noir, les Rolling Stones qui sont déjà des momies. La merde y a bonne place aussi comme dans le « cacatrip », diatribe contre le LSD dans un bad trip de feu où on chie sur un chat noyé dans la chiasse quand les parents rentrent de l’église, le salon plein de merde et où le narrateur finit à l’hôpital. Il y a un gros fond de social derrière tous les propos pouvant paraître outrancier de Jean-Louis Costes. Il nous parle de cette société figée des années 60, proprette devant mais bien déglinguée (du) derrière où « la France cool des années 60 est rackettée par la racaille » et où le présent est moins bien que le passé et où le futur sera pire que le présent, propos bien réac’ juste avant un solo de guitare vintage. Le jeune Costes en avait marre de ce monde merde et souhaitait crever en écoutant un dernier Led Zeppelin, Pink Floyd. Pour nos jeunes contemporains goinfrés aux Booba, Maître Gims et autres chienlits boostées à l’autotune, les paroles de Costes devraient les réjouir, mais non, on ne l’entend pas le Jean-Louis, les merdia nous abreuvant de leur chiasse continue politiquement correcte. En même temps, si le pape underground Costes sort ses CD à la chaîne et dans son coin, c’est qu’il les emmerde bien à fond, les médias. Costes a son public. Comme Booba, qui est, oui, politiquement correct, dans un monde de merde. Aussi Maître Gims arrive 24ème au Top des chansons passées à la radio en 2015 avec son basique de bazar « Est-ce que tu m’aimes ? » selon le rapport Yacast. Alors, oui je préfère l’amour et le cul à la dure façon Costes qui en parle pour de vrai, sous toutes ses formes. Quand il nous parle sur une musique naïve de sa « première boum » où il est saoul pour la première fois et avec son premier joint et sa première baise avec du sang sur sa bite. Ben quoi ? C’est vrai, ça.

Les rapports intergénérationnels marquent aussi Ma Vie De Hippy et montre comment les parents de l’époque sont confrontés à la nouvelle jeunesse rebelle qui joue du Rolling Stones dans sa chambre, musique qui n’est que bruit de drogués pour sa daronne qui redoute que son fils se shoote. Mais c’est pire du côté du père dans l’incestueux « Mon fils pédé drogué », titre certainement le plus gênant de l’album sur une musique répétitive où l’éducation donnée par la daronne n’aurait servi qu’à faire du fils un pédé. « Je voulais être un hippy », j’ai fini enculé par mon père aurait pu déclarer pour finir Jean-Louis Costes. Il rêvait d’orgies hippies en Amazonie, d’être une star de la guitare sur fond de ciel artificiel. Les hippies ont ouvert les voies de la liberté sexuelle et de la drogue, alors « adieu papa, bonjour la ganga », « adieu l’enfance, bonjour la décadence » mais « tout ça c’était des rêves, des mensonges et de la merde ». Finalement une « idéologie satanique » promue par des gauchistes qui auraient cassé le travail, la famille, la patrie et la religion. La jeunesse pervertie par ces idées est devenue junkie, clocharde et sidaïque.

Un album brutal, un album qui fait mal, qui raconte la désillusion de la jeunesse des Trente Glorieuses. Un album à la musique foutraque mais que chacun devrait écouter et fredonner pour se souvenir que ce n’est ni bien avant, ni maintenant, ni après

Auteur : Yann Landry
Site The Wanton

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Back cover du LP